Public Eye prescrit le «Berseticum forte» contre les tests de médicaments abusifs
Étape essentielle mais très onéreuse du processus de recherche et développement (R&D), les tests de médicaments sur des êtres humains sont souvent délocalisés dans des pays où les réglementations sont moins contraignantes. Le recrutement des volontaires est également plus simple dans les pays à plus faible revenu, les essais cliniques représentant souvent le seul moyen d’accéder à des soins médicaux.
Cette délocalisation des essais dans des contextes de réglementation plus laxiste accentue fortement le risque de violation des règles éthiques internationales: irrégularités dans l’obtention du consentement éclairé, usage abusif de placebo, arrêt du traitement à la fin de l’essai, absence d’engagement à fournir des compensations en cas de problèmes. Les enquêtes menées par Public Eye en Argentine, Ukraine, Russie et Inde ont dresséun portrait alarmant de ce secteur par ailleurs très opaque. Dans certains cas, les patient·e·s ignoraient même que le médicament qui leur était administré en était encore au stade expérimental.
L’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic vérifie la sécurité et l’efficacité des médicaments sur la base des essais cliniques soumis par les groupes pharmaceutiques en vue d’autoriser leur mise sur le marché en Suisse. Mais il se limite essentiellement aux normes scientifiques, au lieu de s’assurer que les droits des participant·e·s aux essais et les valeurs éthiques soient respectés. L’opacité est de mise: le manque de transparence empêche le contrôle indépendant des essais effectués à l’étranger pour une autorisation de médicaments en Suisse.
Alors que l’UE renforce la transparence et les contrôles éthiques, l’attitude passive de la Suisse est inquiétante. Avec la campagne de 2013, Public Eye demandait aux autorités helvétiques de compléter le mandat de Swissmedic, en exigeant notamment qu’il instaure un contrôle éthique renforcé des essais menés dans les pays en développement et émergents. Et ce en vue de préserver la réputation de la Suisse, mais aussi et surtout de protéger des populations particulièrement vulnérables.
«Berseticum forte» – les revendications de Public Eye:
Swissmedic doit renforcer les contrôles éthiques a posteriori des essais cliniques menés dans des pays à plus faible revenu à des fins d’homologation de médicaments en Suisse.
Tous les essais cliniques servant à l’homologation de médicaments en Suisse doivent être inscrits dans le nouveau registre public suisse prévu – pas uniquement les essais cliniques menés en Suisse.
Swissmedic doit rendre publique l’intégralité des rapports d’essais cliniques ayant servi à la décision d’autorisation de mise sur le marché de médicaments en Suisse.
L’industrie pharmaceutique doit cesser de considérer les pays à plus faible revenu comme des laboratoires expérimentaux géants où, par pur souci de rentabilité, des personnes vulnérables sont utilisées comme cobayes humains.
Les essais cliniques ne devraient être délocalisés que si leurs résultats profitent réellement et directement à ces populations.
Plus de 13'000 personnes demandent à Alain Berset d’agir contre les tests de médicaments non éthiques
La préparation «Berseticum forte» de Public Eye s’est montrée efficace au sein de la population en Suisse. Un total de 13'017 personnes ont demandé au ministre de la Santé Alain Berset de renforcer les contrôles des essais cliniques délocalisés au niveau de l’agence du médicament Swissmedic. À l’occasion de la remise de ces pétitions, des ballons à l’effigie d’Alain Berset ont été lâchés sur la Place fédérale, porteurs du message suivant: il faut davantage que des vœux politiques pour mettre fin à l’exploitation, par les groupes pharmaceutiques, de cobayes humains dans les pays à plus faible revenu.
La campagne a permis de mettre en lumière les conditions problématiques dans lesquelles les tests de médicaments sont menés et d’inscrire la question de la mondialisation des essais cliniques à l’agenda politique suisse. Des instances et spécialistes suisses des questions d’éthique – comme la Commission cantonale d’éthique de Zurich – ont reconnu le problème et se sont prononcés en faveur d’un renforcement des mesures. Pour que des médicaments testés dans des conditions éthiques douteuses ne soient pas commercialisés en Suisse, davantage de contrôles et de transparence sont nécessaires au niveau de nos autorités.
Les effets du «Berseticum forte»
À la suite de la campagne de Public Eye, le Conseil fédéral a mené des discussions avec les autorités concernées, comme Alain Berset l’avait annoncé dans sa réponse à une question du Parlement. Le Conseil fédéral a formulé une prise de position plus circonstanciée en réponse à une interpellation du Conseil national lors de la session d’hiver 2013 du Parlement.
La révision de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) et des ordonnances correspondantes a créé une base juridique permettant la réalisation d’inspections à l’étranger (art. 64a LPTh). Les groupes pharmaceutiques doivent en outre émettre une déclaration et rédiger un plan de gestion des risques indiquant que les essais sur des sujets humains ont été effectués selon les règles reconnues des «bonnes pratiques des essais cliniques» et des «bonnes pratiques de vigilance» (art. 5 et art. 5a de l’Ordonnance sur les exigences relatives aux médicaments, OEMéd). Cette déclaration n’est toutefois pas rendue publique et le plan de gestion des risques, dont le résumé est accessible au public, ne contient aucun critère attestant de la protection des participant·e·s aux essais et de la conduite éthique des essais cliniques à l’étranger. De plus, les inspections à l’étranger visent en premier lieu à garantir la qualité de la fabrication. Quand les tests sont réalisés dans un contexte réglementaire faible, Swissmedic ne peut pas se permettre de prendre sa décision uniquement sur la base des informations fournies par les groupes pharmaceutiques. Les entreprises n’ont bien entendu aucun intérêt à enquêter sur les insuffisances d’ordre éthique dans les essais cliniques.
Une étude menée par Public Eye en 2019 a montré que l’accès aux traitements testés à l’étranger (accès aux médicaments post-essai ou «post-trial access») n’est pas garanti pour la population locale. Certes, les groupes pharmaceutiques demandent de plus en plus leur autorisation, mais ces médicaments restent inaccessibles à la plupart de la population en raison de leur prix élevé.
De petits progrès ont ainsi été réalisés, mais la pratique des groupes pharmaceutiques lors d’essais cliniques à l’étranger ainsi que la réglementation, le contrôle et les sanctions lors de l’autorisation en Suisse sont encore insuffisants. Public Eye continue donc à s’engager pour les droits des participant·e·s aux essais partout dans le monde.