Inde

© Atul Loke/Panos
Dans le cadre de l’AELE, la Suisse négocie un accord bilatéral de libre-échange avec l’Inde. Les négociations, amorcées en 2008, avancent au ralenti, sont régulièrement interrompues et, après dix-sept tours, elles n’ont toujours pas abouti.

En collaboration avec des organisations de la société civile d’Inde et des pays de l’AELE, Public Eye a souligné dès le début le manque d’orientation vers le développement de l’accord commercial envisagé.

En effet, bien que l’Inde figure parmi les pays émergents et connaisse une croissance économique impressionnante depuis des années, elle compte toujours le plus grand nombre de personnes pauvres au monde. Environ 60 % de la population active travaille encore dans l’agriculture et son revenu par habitant est comparable à celui de la Bolivie et du Vietnam. Il faut donc tenir compte du niveau de développement fortement inégal entre l’Inde et les pays de l’AELE lors des négociations de cet accord de libre-échange.

Ces inégalités sont peu prises en compte. Sous la conduite de la Suisse, l’AELE revendique l’ouverture des marchés financiers indiens. La libéralisation du secteur bancaire menace pourtant l’approvisionnement en crédits dans les zones rurales et réduit la marge de manœuvre politique dont l’Inde dispose pour réagir de manière appropriée aux crises financières.

La revendication de l’AELE pour un renforcement accru de la propriété intellectuelle (les dispositions dites ADPIC+) témoigne de ce manque de sensibilité en termes de politique de développement. Elle entraverait en effet massivement l’accès à des médicaments abordables, en retardant voire en empêchant l’entrée sur le marché de génériques moins chers. Dans le cas concret de l’Inde, cette revendication aurait de lourdes conséquences pour les personnes démunies souffrant du sida ou d’autres maladies mortelles. L’Inde est en effet le principal producteur de médicaments génériques du monde. Véritable « pharmacie des pauvres » (en allemand), elle fournit de nombreux pays en développement en médicaments bon marché.

Des critiques de toutes parts

Public Eye a souligné ces problèmes suffisamment tôt dans une prise de position (en allemand). Notre critique à l’égard de la demande d’extension des droits de propriété intellectuelle a bénéficié d’un soutien inattendu. La Norvège a en effet décidé de se retirer des négociations relatives aux aspects de propriété intellectuelle. Rikke Lind, alors secrétaire d’État au commerce et à l’industrie, a souligné que «la Norvège n’a pas pour politique de forcer les pays en développement à accepter un accord qui réduirait leur marge de manœuvre politique dans le domaine de la propriété intellectuelle, en allant au-delà de leurs obligations multilatérales»

Afin de pouvoir contrer de manière efficace l’ALE avec l’Inde, Public Eye s’est rapidement mise en réseau avec des organisations partenaires locales et étrangères, dont la société civile norvégienne. Public Eye s’est également rendue en Inde, avant le début des négociations officielles, pour élaborer avec des ONG locales une stratégie contre l’ALE (en allemand) et coordonner la collaboration.

Pendant le premier tour de négociations à Delhi, une délégation indienne de représentants d'ONG (en allemand) est venue en Suisse sur invitation de Public Eye et d’Alliance Sud. Lors de rencontres avec des représentants de l’administration et des médias, ils ont confirmé les critiques de Public Eye à l’encontre du projet d’accord de libre-échange entre l’Inde et l’AELE (voir le document « Opening remarks » (en anglais)) et fait part de leurs vives inquiétudes concernant les conséquences de l’accord.

En tant que négociatrice pour le compte de l'AELE, la Suisse a entrepris d'importants efforts début 2014 dans le but de mettre sous toit l'ALE avant les élections indiennes du printemps. Mais elle n'était visiblement pas prête à laisser tomber ses exigences plus strictes en matière de droits de propriété intellectuelle, qui se heurtent à une vive opposition en Inde. Après le changement de gouvernement en Inde, les négociations n’ont repris qu’en 2016, mais ont déjà été interrompues en 2017. Puis silence radio pendant les cinq années suivantes. L’Inde avait manifestement perdu son intérêt pour les accords de libre-échange. Puis en 2022, l’AELE et l’Inde ont convenu de reprendre le processus de négociation. Il reste à voir si cela permettra cette fois-ci de mener à bien les négociations puisque, selon le SECO, plusieurs questions font toujours l’objet d’importants désaccords, en particulier au sujet des droits de propriété intellectuelle. Public Eye continue de faire pression sur la Suisse pour qu’elle renonce enfin à ses revendications à ce sujet.

En parallèle à son travail sur le thème des rapports commerciaux bilatéraux avec l'Inde, Public Eye est également active sur les questions des brevets et de l'accès aux médicaments ainsi que des essais cliniques dans ce pays.